Le garçon hésitait, ce qui pouvait tout à fait se comprendre. Erwin l'embarquait là dedans car il avait à coeur d'offrir une enfance convenable à Elliot, plutôt que l'errance permanente. Le professeur rassura celui qu'il espérait être l'un de ses futurs élèves en lui disant qu'il pourrait jouer souvent car un espace était prévu à cet effet et qu'il n'avait vraiment rien à craindre des autres élèves.
Eh oui, le pauvre Erwin ne se doutait pas que parmi les pensionnaires se trouvaient certaines personnes possédant une âme aussi noire que de l'encre. Elliot s'emmitoufla dans le manteau du géant et ce dernier enfila son gros pull en laine. Après une seconde de préparation ils sortirent sous la neige en direction du pensionnat.
- Est-ce que c’est loin ? s'enquit Elliot.
- Non ne t'en fais pas, on va couper par l'infirmerie, ce sera plus court.
Effectivement, l'infirmerie avait une porte qui donnait sur l'extérieur et il était bien plus rapide de l'emprunter plutôt que de contourner tout le bâtiment. Une fois entrés dans cette pièce toute blanche, ils secouèrent leurs vêtements pour les débarrasser de la neige qui avait déjà commencé à les recouvrir. Erwin enleva directement son pull et tendit la main à Elliot pour récupérer son manteau. L'endroit était bien chauffé et ils n'en auraient pas besoin tant qu'ils restaient à l'intérieur.
En sortant de l'infirmerie ils arrivèrent directement dans le grand hall d'entrée. L'endroit était chaleureux et accueillant : un vrai chalet familial! A leur droite se trouvait les grands escaliers qu'ils empruntèrent. Erwin regardait tout autour de lui plus attentivement cette fois, car à son arrivée il était passé en coup de vent et n'avait pas admiré la décoration.
La porte du bureau du directeur se trouvait pile en face des escaliers. Elliot semblait avoir du mal à tenir le rythme des grandes enjambées du professeur et gravissait tout juste la dernière marche alors que le géant était déjà devant la porte et donnait trois coups sur le battant.
- M'sieur Lastexile, c'est m'sieur Lennart! Quelqu'un voudrait s'inscrire ici.
Aucune réponse. D'habitude, et ce par on ne sait quel moyen, le directeur se trouvait toujours dans son bureau quand on le cherchait. Erwin ne pensa même pas qu'il pouvait être ailleurs dans le pensionnat alors il recommença à taper sur la porte. Toujours le silence. Un silence de plomb, presque angoissant, s'installa...
Une goutte de sueur perla sur le front du professeur et il se tourna d'un air gêné vers le petit garçon qui commençait à montrer des signes d'impatience. Alors le viking entrouvrit la porte pour y jeter un oeil. Il n'était pas sûr, l'obscurité régnait dans la pièce, mais quelque chose clochait, il en était sûr. Il ouvrit plus grand pour passer son gros bras et trouver l'interrupteur. La lumière s'enclencha et c'est là qu'il découvrit la scène macabre.
Erwin repoussa brusquement Elliot pour ne pas qu'il voie l'horreur qui régnait dans le bureau du directeur. L'endroit avait été saccagé, les meubles renversés, retournés, des papiers partout sur le sol... Erwin remarqua des traces de luttes, l'endroit n'avait pas été retourné pour rien. Pendant qu'il avançait en détaillant la scène, son pied glissa, lui faisant perdre l'équilibre. Il ne tomba pas mais regarda tout de même le sol, prêt à insulter la feuille blagueuse. Mais ce n'était pas une feuille. Non, c'était bien pire. Afin d'en être sûr, le viking passa son doigt dans la flaque à ses pieds et le porta à son nez. Il n'y avait aucun doute à avoir : c'était sur du sang qu'il posait les pieds. Mais à qui était-il? Il espéra que ce n'était pas celui du directeur.
Erwin ressortit du bureau et prit Elliot par la main pour l'emmener devant le salon au deuxième étage.
- Ecoute, je dois passer un coup de téléphone important. Je ne vais pas te mentir, il s'est passé quelque chose d'affreux alors je dois prévenir les autorités compétentes. Ici, c'est la porte du salon. Tu y trouvera des bandes dessinées, des jeux vidéos et tu peux même regarder la télé. Je reviens dès que possible alors ne t'en fais pas, d'accord?
Elliot hocha la tête et le viking sourit tristement.
- Désolé que ça commence comme ça. Je vais tout arranger.
Le géant tourna les talons et redescendit les escaliers au pas de course. Arrivé dans le hall il se saisit d'un téléphone et sortit un papier de sa poche. Chris en avait donné un à chaque professeur. C'étaient les numéros d'urgence, à appeler en cas de problème. Sans trop réfléchir, Erwin composa le premier. A peine la première tonalité se finit qu'une voix joviale lui répondit en se présentant comme le directeur du pensionnat de France. Le professeur se présenta rapidement et annonça l'horreur qui s'était produite. La voix de Fitzgerald Herbert se figea soudain et perdit toute sa joie. Il bredouilla quelque chose comme "je vous envoie du renfort" et raccrocha.
Le géant resta un moment figé sur place, ne sachant que trop faire.Il remontarapidement au salon pour rester avec Elliot. Ils ne se dirent pas grand chose car Erwin était complètement absorbé dans ses pensées. Une éternité sembla se passer jusqu'à ce que quelqu'un pénétra le salon. C'était une grande femme au visage sévère.
- Bonjour messieur, je suis Hermine Delacroix, sous-directrice du pensionnat de France. Je vous annonce qu'une brigade a été créée en envoyée à la recherche de Monsieur Lastexile. De ce fait vous n'avez plus à vous inquiéter de cela. Monsieur Herbert arrivera bientôt ici faire une annonce. D'ici là je ferais la ronde dans votre pensionnat au cas où des aggresseurs reviendraient.
Elle ressortit aussi sec, et les deux garçons s'échangèrent des regards interloqués.
- Bon, tu veux jouer à quelque chose? demanda Erwin, fatigué de tout cela.